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C'est encore loin demain ?
12 juillet 2013

Et là, rien ne s'est passé comme prévu.

"La conversation a dévié sur les enfants. Il se rappelait les années passées à tout tenter comme d'un cauchemar. Les cliniques, les piqûres hors de prix et chaque mois la déception qui semblait déchirer Sandrine, la ronger peu à peu. Et puis le miracle avait fini par avoir lieu au moment même où ils envisageaient d'abandonner, parce que ce n'était plus possible, parce que la vie ne tournait plus qu'autour de cela, une vie sous assistance médicale et rongée d'angoisse et d'espoirs déçus. Cendrine avait failli devenir dingue, une terre sèche et stérile, incapable de donner la vie c'était comme ça qu'elle se voyait, et cette perspective la plongeait dans des abîmes glacés que lui-même entrevoyait certains jours, mais certains jours seulement, tant il lui paraissait possible d'envisager une vie sans enfants. Bien sûr il aurait préféré en avoir, mais tout de même, ça lui semblait possible tandis qu'à elle, non.

- ça foutait le bordel entre nous, ça aussi. Je la voyais dépérir, s'enfoncer dans la dépression et je me disais, quoi, merde, c'est d'envisager de passer sa vie juste avec moi qui l'angoisse à ce point. C'est si horrible que ça ? A un moment on s'engueulait tous les soirs, on s'envoyait des saloperies. Elle m'en voulait de ne pas être aussi tenaillé par l'envie d'être père qu'elle d'être mère. Moi je me disais il y a plein de choses à faire dans le monde, plein de gens dont il faut s'occuper, et elle m'en voulait de ça et ça me foutait sur les nerfs alors je lui disais de toute façon c'est toi qui peux pas en avoir, pas moi, merde, si quelqu'un doit en vouloir à l'autre c'est plutôt moi, non ? Enfin, tu vois. Tous ces trucs affreux qu'on balance quand on est colère contre personne et contre tout le monde, contre la vie qui est mal foutue. Et puis un jour, hop, elle est tombée enceinte. Et Justine est née. Et là, rien ne s'est passé comme prévu."


Olivier Adam, Les lisières, J'ai lu, 2013, p. 201-202

Passage lu hier soir, au lit. En quelques lignes, Olivier Adam décrit tout ce que je ne veux pas vivre, et tout ce que j'ai déjà l'impression de vivre, dans ma tête. Impression d'être schizophrène, de mener deux combats dans ma tête, d'être à la fois le personnage féminin et le personnage masculin de ce récit.

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Commentaires
C
Lire Olivier Adam n'est jamais une partie de rigolade en soi, toutefois, il décrit tellement bien les méandres de l'âme humaine. L'ouvrage n'est pas consacré à ce thème, c'est juste un court passage. Hier, en revanche, j'ai fait un tour à la librairie pour me régaler de livres plus légers pour les semaines à venir !
M
Le court passage me retourne aussi, je ne sais même pas si cela me donnerait envie de lire l'intégralité du bouquin ou pas...
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